Nous allons examiner ci-après un cas très récent de la jurisprudence de la Cour de cassation dans lequel la Cour suprême confirme la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir d’information et de conseil ainsi que sa condamnation à réparer le préjudice subi par le maître d’ouvrage.
Arrêt de la cour de cassation du 5 janvier 2022[1]
Les faits
Le 10 septembre 2010, des particuliers emprunteurs signent un contrat de construction de maison individuelle avec une entreprise pour un montant de 190 000 euros.
Ils sollicitent un financement auprès de leur établissement bancaire. Deux prêts immobiliers sont mis en place.
Faute d’obtention d’une garantie de livraison, un contrat de maîtrise d’œuvre est signé avec la même entreprise le 29 juin 2011 en lieu et place du contrat de construction de maison individuelle
Le 2 septembre 2011, le maître d’ouvrage signe un document dénommé « décharge de responsabilité » proposé par la banque par lequel elle déclarait renoncer de manière définitive à la garantie de livraison prévue dans le premier contrat – à savoir le contrat de construction de maison individuelle signé le 10 septembre 2010 – et demandait à la banque de débloquer les fonds, la déchargeant de toute responsabilité du fait de l’absence de cette garantie.
Le 29 novembre 2011, l’entreprise chargée des travaux est placée en redressement judiciaire et ensuite en liquidation judiciaire. Le chantier est interrompu.
Une expertise est diligentée sur le terrain à la suite de laquelle les maîtres d’ouvrages assignent le liquidateur de l’entreprise, son assureur, et l’établissement bancaire prêteur.
Ils demandent que le contrat de maîtrise d’œuvre conclu soit déclaré nul car il ne serait pas légal.
Ils demandent également l’annulation de l’acte de décharge de responsabilité signé par le maître d’ouvrage.
La banque défendait l’argumentation selon laquelle un contrat de maîtrise d’œuvre n’est pas conditionné à l’existence d’une garantie de livraison[2].
Le manquement au devoir d’information et de conseil
La Cour d’Appel avait constaté que :
- le contrat de maîtrise d’œuvre révélait une réécriture strictement formelle du contrat de construction de maison individuelle sans modification de forme ou du coût du projet à construire ;
- le contrat de construction était devenu caduque en raison de l’absence de garantie de livraison ; pour autant, l’entreprise avait débuté les travaux et signé un contrat de maîtrise d’œuvre pour la même opération, au même coût et qu’en conséquence, cette opération relevait de la réglementation d’ordre public sur le contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans[2] ;
- qu’il ne ressortait pas de l’acte de décharge de responsabilité signé deux mois après la conclusion du contrat de maîtrise d’œuvre que le maître d’ouvrage avait été préalablement informé par la banque des risques auxquels il s’exposait, alors que la banque devait l’alerter sur l’illégalité de ce contrat de maîtrise d’œuvre et sur les risques qu’il prenait.
En conséquence, dit la Cour de cassation, la Cour d’Appel[3] qui avait condamné la banque pour manquement à son obligation d’information et de conseil a légalement justifié sa décision de condamnation.
La réparation intégrale du préjudice subi
La Cour de cassation confirme la condamnation de la banque à réparer le préjudice subi par les maîtres d’ouvrage, à savoir : les dépenses d’achèvement, les surcoûts ainsi que les frais de reprise des travaux, soit la somme totale d’environ 300.000 euros.
Ce qu’il faut retenir
Le banquier prêteur doit vérifier si le contrat qui lui est soumis relève ou non de la réglementation d’ordre public sur le contrat de construction de maison individuelle. A défaut, il est entraîné dans un contentieux judiciaire qui dure des années – dans cette affaire, le prêt a été délivré en 2010, l’arrêt de Cour d’appel a été rendu en 2020 et le présent arrêt date du 5 janvier 2022 -, engage sa responsabilité contractuelle et risque de subir une condamnation qui peut être très lourde ainsi qu’une annulation du prêt corrélative à l’annulation du contrat financé.
Pour rappel, depuis plus de 30 ans, VERIFIMMO procède pour le compte d’établissements bancaires prêteurs à la vérification des contrats de construction de maisons individuelles, des attestations de garanties de livraison à prix et délais convenus et de tous projets de construction et ce, afin de vérifier le respect de ces réglementations d’ordre public protectrices pour le particulier emprunteur.
VERIFIMMO permet ainsi d’éviter aux établissements bancaires prêteurs les situations étudiées ci-dessus et met en place une assurance spécifique les couvrant en cas de condamnation sur un dossier passé par nos services.
[1] Cass, 3ième ch civ, 5 janvier 2022, 20-19.775 20-20.327
[2] Soumis aux articles L 231-1 et suivants du Code de la construction et de l’Habitation
[3] Cour d’Appel Rennes, 4ième ch., 2 juillet 2020, N°17/08271