Le particulier qui fait construire sa maison en faisant appel à une entreprise bénéficie de protections légales au travers du contrat de construction de maison individuelle[1].
Mais qu’en est -il de travaux de réhabilitation, de rénovation lourde, de surélévation d’un immeuble existant à usage d’habitation avant et/ou après travaux ? En l’état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, la réglementation sur le CCMI n’est applicable qu’aux constructions neuves et non aux travaux sur existant [2].
Pourtant, il est essentiel que le particulier qui fait procéder à de tels travaux puisse également jouir d’une protection légale.
La pratique vient de nous démontrer le caractère essentiel de ce type de protections avec la mise en liquidation judiciaire d’une filiale du groupe GEOXIA : PHENIX EVOLUTION dont l’activité consistait à réaliser des travaux sur existant. Les particuliers qui ont fait appel à cette structure se disent à présent les oubliés du système dès lors que, pour ce type de travaux, aucune protection ou garantie de paiement n’ont été mises en place pour garantir l’achèvement des travaux en cas de défaillance de PHENIX EVOLUTION[3].
Certains auteurs, dont Daniel TOMASIN et Vivien ZALEWSKI SICARD, se sont penchés sur cette question et proposent la mise en place d’un contrat de rénovation[4].
Pour l’instauration d’un contrat de rénovation[4]
Il est donc proposé d’encadrer les travaux de rénovation par des dispositions légales qui prévoiraient, dans ce cas, l’obligation de signer avec le propriétaire acquéreur un contrat de rénovation.
Ce contrat de rénovation serait en quelque sorte la variante – pour les travaux de rénovation – du contrat de construction de maison individuelle[1] pour la construction neuve.
Pour encadrer la mise en place de ce contrat, il est proposé d’en préciser les contours[4] :
- Dans quels cas ce contrat de rénovation serait légalement applicable ?
- Pour quel type de travaux : quel critère retenir ? le coût des travaux, leur nature ? leur importance ?
- Pour quel type de bâtiment : maison individuelle ? bâtiment collectif ?
- Au profit de quel maître d’ouvrage : professionnel, consommateur ?
Champ d’application du contrat
Les travaux correspondant à une restructuration complète ou à un agrandissement du bâtiment existant seraient seuls concernés. Le critère retenu serait donc celui de l’importance matérielle.
La restructuration complète serait celle définie à l’article R 262-1 du CCH[5] à savoir qui rend à l’état neuf :
- Soit la majorité des fondations ;
- Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ;
- Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ;
- Soit l’ensemble des éléments de second œuvre suivants, dans une proportion au moins égale à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés :
- Les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;
- Les huisseries extérieures ;
- Les cloisons intérieures ;
- Les installations sanitaires et de plomberie ;
- Les installations électriques ;
- Et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage.
L’agrandissement, quant à lui, pourrait être défini comme « une extension, horizontale ou verticale, d’un immeuble bâti »[4].
Pour distinguer l’agrandissement de l’édification d’une nouvelle construction, « il peut être considéré qu’il n’y a agrandissement que lorsque celle-ci affecte la structure même du bâtiment existant, l’agrandissement ne pouvant se concevoir de façon isolée »[4].
La surélévation d’un bâtiment rentrerait également dans le champ d’application du contrat de rénovation[4].
A quel type de bâtiments s’appliquerait le contrat de rénovation ?
Les bâtiments à usage d’habitation et à usage professionnel et d’habitation seraient concernés.
En termes de nombre de logements contenus dans le bâtiment à rénover, le contrat de rénovation s’appliquerait :
- Soit à un bâtiment ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître de l’ouvrage ;
- Soit à tout bâtiment même de plus de deux logements dans la mesure où ce bâtiment appartiendrait en totalité au même maître de l’ouvrage.
En termes de qualité de maître d’ouvrage, le contrat de rénovation s’appliquerait uniquement aux acquéreurs et maîtres d’ouvrage consommateurs, c’est-à-dire lorsque ces derniers interviennent en dehors du cadre de leur activité professionnelle.
Le régime du contrat de rénovation
L’étude technique préalable
L’auteur considère qu’il est nécessaire de pouvoir apprécier d’une manière globale les travaux qui devront être réalisés.
Il préconise donc la réalisation d’une étude ayant pour objet d’établir « si les travaux envisagés par le maître d’ouvrage peuvent être supportés par le bâtiment et si des travaux complémentaires doivent être prévus pour que la solidité de l’ouvrage et son utilisation ne soient pas compromises après la réalisation des travaux »[4].
Cette étude serait réalisée par des personnes présentant les compétences nécessaires pour la réaliser, type bureau d’étude technique ou structure.
Et cette personne ne devrait avoir aucun lien de dépendance avec l’entreprise qui réaliserait les travaux et effectuerait sa mission en toute impartialité.
Le contrat de rénovation – formalisme
Quant aux mentions contenues dans le contrat qui sera obligatoirement écrit, il est préconisé de se calquer sur les mentions obligatoires contenues dans le CCMI avec fourniture du plan[6], à savoir :
- la désignation du bâtiment concerné ;
- l’affirmation de la conformité du projet aux règles de construction ;
- la description des travaux à réaliser ;
- le coût des travaux à réaliser dont le prix convenu qui est forfaitaire et définitif ;
- les modalités de règlement du prix en fonction de l’état d’avancement des travaux ;
- l’indication que le maître de l’ouvrage pourra se faire assister par un professionnel lors de la réception du bâtiment ;
- l’indication de l’obtention des autorisations d’urbanisme ou de leur caractère non obligatoire et des autres autorisations administratives ;
- l’indication des modalités de financement ;
- la date d’ouverture de chantier, le délai d’exécution des travaux et les pénalités prévues en cas de retard de livraison ;
- la référence de l’assurance dommages ouvrage ;
- les justificatifs de la garantie de livraison à prix et délais convenus délivrée par un garant et annexée au contrat.
Ces mentions seraient prévues à peine de nullité du contrat, nullité qui ne pourrait être demandée que par le maître de l’ouvrage avant la livraison des travaux.
L’échelonnement des paiements
La grille d’appel de fonds suivante est préconisée :
- 5% maximum à la conclusion du contrat
- 25% maximum à l’achèvement des travaux représentant un quart du prix total des travaux
- 75% maximum du prix à l’achèvement des travaux représentant 75% du prix total des travaux
- 95% maximum à l’achèvement de l’ensemble des travaux
- Le solde du prix payable à la livraison
La garantie de livraison
Le rénovateur – l’entreprise chargée de réaliser les travaux de rénovation – devrait justifier de la souscription d’une garantie de livraison à prix et délais convenus, lequel en cas de défaillance du rénovateur devrait prendre à sa charge :
- Le coût du dépassement du prix convenu nécessaire à l’achèvement des travaux ;
- Les conséquences du fait de l’entreprise de rénovation ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix ;
- Les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant 30 jours.
La garantie de livraison prendrait fin à la réception des travaux ou à la levée des réserves formulées à la réception.
Pour rappel, ce contrat de rénovation détaillé ci-dessus est une proposition élaborée par des experts juridiques en la matière, M. TOMASIN et M. ZALEWSKI SICARD[4].
Pour mémoire, VERIFIMMO traite pour le compte d’établissements bancaires prêteurs des dossiers relevant de la loi de 90, des dossiers avec tout type d’organisation de chantier (contrat d’architecte, de maîtrise d’œuvre, lots séparés, courtiers en travaux) et relève les entorses à la réglementation sur la loi de 1990, sur la VEFA et sur la VIR. Elle constate donc, de plus en plus, que des prêts sont mis en place pour procéder au financement de travaux lourds de rénovation, d’agrandissement et de surélévation réalisés par une seule entreprise.
Il est donc grand temps de remédier à ce vide juridique.
Mais pour éviter les contournements de ce nouveau contrat de rénovation – des contournements sont encore trop souvent constatés de la loi de 1990, de la grille d’appel de fonds sur la préfabrication, de la VEFA, de la VIR – VERIFIMMO préconise d’entendre au préalable tous les praticiens du secteur avant toute mise en place de ce contrat et ce, particulièrement sur les points suivants :
- l’étude préalable : elle aura un coût pour le maître d’ouvrage, il conviendra de bien l’encadrer pour éviter un coût supplémentaire au maître d’ouvrage qui est déjà chargé de faire réaliser de nombreuses études notamment de sol (G2 AVP et PRO) et de structure pour la mise en place d’une assurance dommages ouvrage, études de plus en plus demandées par certains assureurs au-delà de l’étude géotechnique exigée dans le cadre de la loi ELAN (alea retrait gonflement /argile moyen ou fort).
- la grille d’appel de fonds : quelle est la garantie qui couvrirait les 5% versés à la conclusion du contrat ? une garantie de remboursement ? Pour veiller au respect de la grille d’appel de fonds telle que proposée, il serait intéressant que l’étude préalable précise quels sont les travaux correspondant à chaque appel de fonds préconisé
- la garantie de livraison : elle devra être adaptée aux spécificités des travaux qu’elle garantit La délivrance d’une garantie de livraison sur des travaux de rénovation sera un nouvel enjeu pour les professionnels du secteur tant les surprises de surcoût en rénovation sont légion. L’étude préalable pourrait dans ce cadre avoir une double utilité : elle pourrait sécuriser le maître d’ouvrage mais aussi rassurer le garant.
[1] Article L 231-1 et suivants du CCH et articles L 232-1 et suivants du CCH.
[2] Cass,3ième ch civ, 20 mars 2013, n°11-27.767, RDI 2013, p.325.
[3] https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/loiret/liquidation-judiciaire-des-maisons-phenix-les-clients-de-la-filiale-phenix-evolution-se-disent-les-grands-oublies-ils-veulent-attaquer-au-penal-2585388.html.
[4] Vivien ZALEWSKI SICARD, Revue Construction Urbanisme, Avril 2022, N°4, p.12 à 15 et Daniel TOMASIN sous Cass, 3ième ch civ.,20 mars 2013, p.325 et svtes.
[5] Cet article précise : « Les travaux de rénovation d’un immeuble au sens de l’article L. 262-1 sont tous les travaux qui portent sur un immeuble bâti existant. Ils n’incluent pas les travaux d’agrandissement ou de restructuration complète de l’immeuble, assimilables à une reconstruction, mentionnés à l’alinéa 3 de l’article L. 262-1 et qui rendent à l’état neuf :
1° Soit la majorité des fondations ;
2° Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ;
3° Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ;
4° Soit l’ensemble des éléments de second œuvre suivants, dans une proportion au moins égale à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés :
a) Les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l’ouvrage ;
b) Les huisseries extérieures ;
c) Les cloisons intérieures ;
d) Les installations sanitaires et de plomberie ;
e) Les installations électriques ;
f) Et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage.
[6] Article L 231-2 du CCH