Penchons-nous aujourd’hui sur un nouveau cas de jurisprudence datant de Juin 2020 dans lequel la responsabilité de la banque a de nouveau été retenue et celle-ci condamnée pour n’avoir pas vérifié les devis produits, à l’appui de la demande de prêt immobilier faite par des emprunteurs particuliers.
Le contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans : Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 juin 2020[1]
Des particuliers sollicitent un établissement bancaire pour financer leur projet de construction d’une maison individuelle.
A l’appui de leur projet, ils fournissent à leur établissement bancaire deux devis dont un devis émanant de la société X mentionnant « construction de maison individuelle » et le prêt immobilier est mis en place sur base de ces deux devis. Finalement, les emprunteurs démarrent leur construction suivant un troisième devis émanant de l’entreprise Y pour la somme totale de 132000 euros.
Un architecte a établi les plans et le permis de construire a été obtenu en juillet 2012. Les travaux démarrent en février 2013, une somme de 86 352 euros est réglée à la société Y.
Le chantier est abandonné en juin 2013.
Un expert se déplace sur les lieux et constate de nombreuses malfaçons.
En septembre 2015, le couple de particuliers assigne la société Y, ses assureurs et l’établissement banquier prêteur devant le tribunal de grande instance.
Le banquier prêteur est assigné pour défaut d’information et de conseil[2] et est condamné en première instance.
En effet, selon le premier juge, le banquier prêteur a manqué à son devoir d’information et de conseil pour n’avoir pas refusé de financer la construction des époux X alors qu’aucune garantie de livraison à prix et délais convenus n’avait été souscrite par la SARL Y.
En effet, d’après le devis produit, la SARL Y, compte tenu des lots de travaux qui lui étaient confiés dans le devis, aurait dû signer un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans conforme à l’article L232-1 du CCH et suivants et fournir une garantie de livraison à prix et délais convenus.
L’établissement bancaire concerné a fait appel de ce jugement devant la cour d’appel de Paris.
Que dit l’arrêt?
L’arrêt indique que l’opération financée correspondait de façon manifeste pour un professionnel à celle prévue aux articles L 232-1 et suivants du CCH, soient les articles renvoyant au contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plans eux-mêmes renvoyant à l’article L231-6 du même code qui prévoit l’obligation de fournir une garantie de livraison à prix et délais convenus.
La Cour se range donc derrière les conclusions du tribunal de grande instance qui a considéré que le banquier prêteur devait en l’espèce mettre en garde les emprunteurs profanes des risques qu’ils encouraient en l’absence de garantie de livraison.
Elle confirme donc la responsabilité de la banque dans le préjudice subi par les emprunteurs.
Quant au calcul du préjudice, que dit la Cour ?
Suite au défaut de conseil de la banque, dit la Cour, celle-ci s’expose à devoir supporter la totalité des préjudices subis par les époux emprunteurs qui auraient été pris en charge par le garant si une garantie de livraison à prix et délais convenus avait été mise en place comme la loi le prévoyait dans ce cas.
La Cour considère en effet en l’espèce que le préjudice subi ne s’analyse pas en une perte de chance mais est un préjudice certain.
Sur ce point, l’arrêt réforme le jugement entrepris qui avait condamné l’établissement bancaire à prendre en charge une partie du préjudice et le fixe à 100%, soit la somme de 234 917,86 euros se répartissant comme suit :
- 18 084 € au titre du défaut de réalisation du drainage
- 68 774,40 € au titre des désordres affectant la charpente
- 14 268 € au titre du ravalement
- 2 880 € au titre du défaut d’implantation
- 780 € au titre des honoraires du géomètre expert
- 59 495,88 € au titre des pénalités de retard calculées comme suit : le prix convenu x 2067 jours x 1/3000 (cf. article R 231-4 al 1er du CCH)
- 49 051,25 € au titre du paiement des loyers versés par les époux X dans l’attente de pouvoir rentrer dans leur maison
- 21 584,33 € au titre d’une facture de matériaux réglée au constructeur défaillant
Rappelons que le devis de la SARL Y pour la réalisation de la construction s’élevait à 132 000 euros.
Ce qu’il faut retenir
La banque a l’obligation de vérifier si l’opération qu’elle finance relève d’un contrat réglementé (contrat de construction, contrat de vente en l’état futur d‘achèvement …). Si c’est le cas, elle doit obligatoirement avertir l’emprunteur des protections auxquelles il a droit et des risques encourus suite à l’absence de ces protections. Elle doit même dans certains cas s’abstenir de financer l’opération litigieuse.
A défaut, la banque risque une condamnation à la prise en charge de la totalité du préjudice avéré qui peut largement dépasser le coût initial des travaux car celui-ci prend en compte la réparation des malfaçons et des désordres, le coût des dépassements du prix convenu nécessaires à l’achèvement de la construction, tous les frais annexes avérés supportés par les emprunteurs (coût du loyer, etc..) ainsi que le coût du retard accumulé dans la livraison du chantier.
Pour rappel, depuis plus de 30 ans, VERIFIMMO procède pour le compte d’établissements bancaires prêteurs à la vérification des contrats de construction de maisons individuelles, des attestations de garanties de livraison à prix et délais convenus et de tous projets de construction et ce, afin de vérifier le respect de ces réglementations d’ordre public protectrices pour le particulier emprunteur.
VERIFIMMO permet ainsi d’éviter aux établissements bancaires prêteurs la situation étudiée ci-dessus.
[1] Cour d’Appel Paris, pôle 4, ch. 6, 26 juin 2020, N°18/22030
[2] Article 1231-1 du code civil, anciennement article 1147 du code civil